On continue dans la série des t-shirts qui font polémique.
Cette fois-ci, pas de message en toutes lettres mais une illustration qui choque tout autant.
La marque American Apparel, qui cherche par tous les moyens à faire le buzz, vient de lancer un t-shirt au doux nom de « Period power » (le pouvoir des règles). Y est représenté un sexe de femme ensanglanté en pleine séance de masturbation. Réalisé en collaboration avec l’artiste féministe Petra Collins, ce t-shirt sera vendu 24$ (la moitié des bénéfices reviendra à Ardorous, une communauté artistique féminine).
Petra Collins a justifié sa démarche dans le magazine Time : « J’ai décidé de mettre un sujet super taboo sur un t-shirt afin que tout le monde le voie. Je suis vraiment intéressée par tout ce qui est caché de notre culture. On nous demande toujours de refouler ou de cacher ce qui est naturel sur un corps post-pubère. On nous apprend à haïr nos cycles menstruels et même à cacher la masturbation. »
Même si on ne remet pas en cause l’intention de l’artiste, on peut néanmoins s’interroger sur les réelles motivations d’American Apparel. L’opération sent malgré tout la volonté de faire le buzz une nouvelle fois sous prétexte d’une bonne action. Après les différentes polémiques ayant touché la marque, épinglée de nombreuses fois pour des publicités sexistes ou à cause de sa charte de beauté édictée à l’encontre de ses salariés, la marque n’essayerait-elle pas de s’acheter une bonne conduite à peu de frais ?
Pour le coup, on doute un peu du féminisme soudain d’une griffe qui n’a pas hésité pendant des années à mettre en scène les femmes de façon hyper-sexualisée. Après le greenwashing, procédé marketing visant à se donner une image écologiquement responsable, est-on en train de voir émerger le « feministwashing » ?
Quoi qu’il en soit, la polémique autour de ce t-shirt aura eu le mérite de libérer la parole au sujet du sexe féminin et de ses représentations. Qu’on soit gêné, choqué ou amusé, ce t-shirt dit, malgré tout, beaucoup de nous (taper « period tee » dans Twitter permet de s’en rendre compte).
La réaction du magazine Cosmopolitan est à ce sujet édifiante : dans un article intitulé « Period Power : le t-shirt qui nous glace le sang », la journaliste s’offusque « L'imprimé arty n'est autre qu'un gros plan sur un sexe féminin ensanglanté et velu (beurk) ».
Qualifier de « beurk » la vision d’un sexe ensanglanté et non épilé en dit beaucoup sur la perception du corps par les magazines féminins et les injonctions qui en découlent.
Pour ma part, quitte à passer pour une vieille bourgeoise coincée, je ne porterai pas ce t-shirt, tout comme je n’achèterais pas un t-shirt représentant un sexe d’homme.
Et tout le discours pseudo-féministe d’American Apparel n’y changera rien : n’oublions pas que c’est encore une fois le corps des femmes qui sert ici à vendre.
Edit du 11/10/13 : Le site Cosmopolitan a retiré le "beurk" de l'article (mais l'excellent site "AuFemininPointConne" en a fait une copie d'écran!)